Le rapport du CNNum vu par Tristan Nitot

Membre du CNNum, Tristan Nitot revient sur ces mois de travail pour produire leur rapport – une étape indispensable pour pouvoir se doter des bases d’une stratégie numérique en France et en Europe. A mon avis, c’est le meilleur compte-rendu, et surtout celui qui montre le mieux l’ampleur de la tâche.

Source: Rapport Ambition Numérique du CNNum – Standblog

Traité transatlantique : pour en finir avec le projet d’arbitrage investisseurs-Etats

Faut-il abandonner le traité transatlantique ? C’est prendre le risque de se le faire imposer une fois que les USA auront réglé leurs problèmes avec le TPP.

La principale question concerne en réalité les tribunaux d’arbitrage qui risque de priver les États de leur droit à réguler. Plutôt que de vouloir les réformer, il faut trouver une alternative – par exemple en envisageant la mise en place d’une véritable juridiction économique internationale pour les différends d’investissements.

C’est en tout cas le point de vue que nous défendons dans Le Monde avec Denis Tersen, Bertrand Warusfel et Anna Lipchitz : Traité transatlantique : pour en finir avec le projet d’arbitrage investisseurs-Etats

Les négociations TPP / TTIP temporairement ralenties par un vote de rejet surprise au Sénat US

Les démocrates du congrès ont récemment accordé le « fast track » à Barack Obama sur le Traité de Partenariat Transpacifique – le fameux TPP, équivalent asiatique du TTIP, mais avec seulement 8 voix près avec 219 députés contre et seulement 211 pour.

Cette majorité s’est révélée trop courte vendredi pour voter le programme d’aide aux ajustements commerciaux (Trade Adjustment Assistance – TAA), mis en place pour aider les salariés qui perdraient leur emploi à cause du TPP.

Les deux textes étant liés, le rejet de l’un peut entraîner le rejet de l’autre, et la déchéance du « fast track ». Sans TAA, pas de TPP.

Les républicains se sont immédiatement mobilisés pour remettre le TAA au vote dès lundi si possible, tandis que l’administration Obama a essayé d’expliquer qu’il ne s’agissait que d’un contretemps procédural.

 

Il n’empêche que ce bloc TAA – destiné à protéger les salariés américains – est celui qui devrait normalement avoir la préférence des Démocrates et aurait du être le plus facile à adopter. La division entre le Président et sa majorité est profonde. Des démocrates se sont même déclarés choqués de voir que le Président et son administration étaient plus motivés et actifs sur ce textes libéral qu’ils ne l’avaient été sur la réforme de la santé – allant jusqu’à se rendre en personne au Congrès vendredi pour essayer de convaincre les députés démocrates.

Sans succès puisque même Nancy Pelosi qui est une alliée de Obama a voté contre – et qu’elle l’a fait à dessein pour ralentir l’adoption globale de la procédure de  fast track.

Les soutiens industriels du TPP restent bien sur mobilisés. Il ne faut pas prendre ce revers pour autre chose qu’une défaite de procédure. La plupart des analystes pensent que Barack Obama réussira malgré tout à obtenir le fast track pour le TPP asiatique, avant de se retourner vers la négociation du TTIP européen.

N’hésitez pas à aller lire plus de détails, par exemple ici sur Slate ou dans le LA Times.

L’économie numérique peut-elle être plus juste ?

La question fait écho au débat sur la loyauté des plateformes en l’élargissant à la question de la justice de l’économie numérique. A quoi bon innover si c’est pour réserver les bénéfices de cette innovation à quelques uns ? A quoi bon développer des outils numériques s’ils ne servent qu’à vampiriser le peu de richesse collective dont dispose la population ?
Autrement dit, peut-on imaginer un numérique plus juste ?
Toute une série de grands noms du numérique viennent de publier un appel en ce sens dans la MIT Tech Review. On y retrouve Erik Brynjolfsson – dont les analyses dénoncent l’impact du numérique sur le travail, Tim O’Reilly – l’inventeur du web 2.0, etc.
La révolution numérique est partout, mais les gens n’en voient pas forcément les bénéfices. Le revenu de la majorité des foyers américains n’a pas augmenté depuis 20 ans. Le nombre de salariés ne cesse de diminuer. La classe moyenne est de plus en plus dévalorisée. La mondialisation, l’outsourcing et l’offshoring reposent en grande partie sur la révolution des télécommunications. Les avantages de ce monde hyperconnecté et hypernumérisé ne se répartissent pas de façon égalitaire.
Est-ce que les robots vont détruire nos emplois ? Pour ces leaders du numérique, il faut cesser de poser le débat de cette façon. Il faut prendre conscience du fait que nous ne sommes pas sans moyens face aux transformations du numérique sur le travail.
Partant de là, trois axes sont proposés :
  • une évolution des politiques publiques
    • des changements basiques dans les secteurs de l’éducation, des infrastructures, de l’entrepreneuriat, du commerce, de l’immigration et de la recherche.
    • une réflexion sur l’évolution du système fiscal et sur la redistribution de valeur au sein de la société
    • une réflexion sur l’évolution de la démocratie dans un environnement où tous les citoyens sont connectés
  • sur un modèle rawlsien, il faut exiger des entrepreneurs qu’ils adoptent des modèles qui profitent à tous quand ils améliorent la productivité et génèrent de la valeur – et cela passe sans doute par une transformation du concept d’entreprise
  • il faut améliorer les efforts de recherche sur les impacts socio-économiques de la révolution numérique
L’appel est en ligne, n’hésitez pas à en prendre connaissance : sur le site de la MIT Tech Review

Vous avez toujours rêvé de voir Adolf Hitler en Kung Führer ? Ne ratez pas Kung Fury, c’est le film du week-end ! 

https://www.youtube.com/watch?v=72RqpItxd8M

Plus de 7 millions de vues en deux jours, et une bonne dose de rigolade. Faites-vous plaisir pour votre dimanche après-midi en regardant ce qui pourrait être l’enfant caché sous cocaïne de Sylvester Stallone et George Michael. Quand c’est en plus financé par Kickstarter, et avec une chanson de David Hasselhoff, que demande le peuple ? Kung Fury bien sur !

Dans le Figaro : « Start-ups : pourquoi les jeunes quittent la France » par Guillaume Sarlat

Quelle place pour la France dans la guerre internationale des talents ? Faut-il pousser les français à partir à l’étranger ? Faut-il au contraire les pousser à rester au pays ? Faut-il attirer les entrepreneurs étrangers ? Paris a-t-il un rôle face à des villes comme San Francisco, New York ou Londres ?

Voilà sur ces questions une excellente tribune de Guillaume Sarlat qui rebondit sur un paradoxe essentiel – déjà rappelé par Xavier Niel : avec son excellente éducation pas chère, le statut JEI, le CIR, la France devrait théoriquement être l’un des pays les plus intéressants pour créer son entreprise, et pourtant…

Pour expliquer cet état de fait, plusieurs problèmes :

  • les dispositifs de soutien sont bien trop complexes – et on pourrait ajouter qu’ils sont souvent perçus comme humiliants par les startuppers
  • le fossé existant entre les startups et les grands groupes – d’autant que, contrairement aux USA, ceux-ci sont le poumon de l’économie française

Du coup, les solutions paraissent simples :

  • améliorer la fiscalité du capital, par exemple en exonérant les investissements de long-terme en France
  • rapprocher les grands groupes et les PME, par exemple en facilitant les politiques d’acquisition et les spinoffs de salariés

On pourrait imaginer d’autres solutions (améliorer le ratio argent public / argent privé, rapprocher les dossiers de financements publics des dossiers de financements privés, améliorer la protection sociale du créateur d’entreprise, etc.). Mais le constat est là. La France est l’un des pays qui fait le plus d’efforts pour favoriser la création d’entreprises, tout en ayant toujours du mal à se départir de l’état d’esprit qui permettrait à ces efforts de prospérer.

Lisez l’article de Guillaume Sarlat : Start-ups : pourquoi les jeunes quittent la France

Quand Youtube est valorisé 70 milliards, les européens doivent comprendre qu’il est rationnel de dépenser 70 millions pour un site web ! 

Cette réflexion démarre d’une discussion Facebook sur la page de Alexandre Michelin qui avait partagé cet excellent article à propos de cette nouvelle évaluation qui valoriserait Youtube à 70 milliards de dollars. Plutôt que de crier à la bulle, il fait remarquer avec subtilité que c’est une jolie augmentation de valeur en moins de dix ans pour une société qui a été rachetée seulement 1,75 milliards de dollars par Google en 2006.

Mais annoncer que Youtube est valorisé 70 milliards – et bientôt certainement 90 ou 100, c’est oublier que c’est une entreprise encore très jeune, et qui n’a rien d’inamovible. Leur succès est volatil, et si l’économie traditionnelle est toujours citée comme une cible pour les startups, rien n’empêcherait en théorie Youtube de se faire uberiser dans les années à venir.

Facebook et Twitter sont déjà sur le coup en espérant réussir à capter l’énorme manne publicitaire de la télévision. L’un comme l’autre ne cessent d’innover. Facebook intègre de plus en plus les vidéos dans son contenu. Et Twitter a développé Periscope pour commencer à attaquer le marché de la vidéo live – qui est en fait un assaut frontal contre l’un des derniers bastions de la télévision que sont les retransmissions en direct de compétitions sportives ou de concerts.

D’autres acteurs ont déjà réussi à faire leur trou, comme Vimeo pour les vidéos plus qualitatives, Lynda pour les vidéos de formation – racheté 1,5 milliards par Linkedin, Twitch pour le gaming – racheté 970 millions par Amazon, Nico Nico pour un modèle plus local au Japon, ou bien sur Dailymotion en France et ailleurs.

Les suivants arrivent déjà. Il suffit de voir le succès de Vice News, ou l’excitation autour de Meerkat, et d’imaginer ce que pourraient être des projets qui combineraient par exemple l’ergonomie de Spotify avec l’ouverture de Snapchat

La question est d’autant plus intéressante que l’effet de la courbe d’expérience ne joue pas tout à fait de la même façon dans les industries numériques que dans les industries traditionnelles.

Normalement, plus un acteur travaille son produit, plus il est capable de le fabriquer moins cher. Il faut compter un montant X la première fois, X/2 la deuxième fois, X/4 la quatrième, etc. Concrètement, la première vidéo est très difficile à mettre en oeuvre et coûteuse pour Youtube, mais 1 milliard d’utilisateurs plus tard, tout a été amorti. 

En théorie, ce phénomène crée une importante barrière à l’entrée pour de futurs concurrents, mais dans le numérique, 99% des progrès fait par Youtube sont réexploitables à peu de frais par n’importe qui – l’ergonomie, le modèle économique, etc. Les contenus peuvent être transférés sans difficulté. Seule l’audience reste difficile à récupérer, mais les exemples cités plus haut montrent que c’est possible d’y arriver.

Autrement dit, même si Youtube est valorisé 70 milliards, construire son clone ne couterait sans doute même pas 70 millions – à condition bien sur de savoir attirer les talents qui sauront le faire exploser par les contenus et la communauté.

Sauf que la plupart des acteurs actuels ne comprennent pas que Youtube est valorisé 70 milliards. Ils imaginent que ça vaut 70 millions, et du coup veulent faire la même chose pour 700 000 euros – quand ce n’est pas 70 000.

Or avec 70 000 euros, ce n’est pas la peine de faire semblant. On ne refait pas Youtube. Ni même avec 700 000 d’ailleurs – en aparté, c’est d’ailleurs vraiment fascinant le nombre de gens qui croient aujourd’hui qu’on peut faire un site de ouf pour si peu… et qui refuseront mordicus de prendre un wordpress de base et d’y mettre pour la même somme en articles qui déchirent.

Mais malgré les nombreux exemples qu’on peut trouver aux Etats-Unis comme en France, sortir 70 millions pour monter la même chose aujourd’hui, attirer des millions d’usagers, et revendre ou valoriser le service au-delà du milliard de dollars, personne n’y croit.

Les français et les européens ont du mal à valoriser les projets à leur juste hauteur, comme ils ont du mal à identifier les enjeux stratégiques sans se draper dans des mots-clés illusoires comme le « cloud souverain » ou « l’offre légale ».  C’est un peu le drame français et européen du numérique, et c’est ce qui a probablement poussé Critéo à aller se coter aux Etats-Unis où les analystes savaient les valoriser au-delà du milliard d’euros.

Avec les nouvelles nominations à France Télévision, le rachat de Dailymotion et les mouvements tectoniques qui agitent aujourd’hui l’audiovisuel numérique en France, on peut peut-être espérer voir une nouvelle génération de services apparaître. En espérant que tout le monde saura comprendre qu’il faut y mettre les moyens.

L’article qui a mis le feu aux poudres est ici : Bank Of America Analyst Values YouTube At $70 Billion

Dans le NYT : ce sont les mêmes ingénieurs qui inventent les réseaux sociaux et qui veulent supprimer les repas

Excellent article du NYT sur l’explosion des poudres de protéines dans la Silicon Valley : les Soylent, les Schmoylent, les Schmilk, etc.

Le marketing est simple et surfe sur la mode déjà ancienne du Lifehacking. Il paraîtrait qu’il est important d’optimiser son temps et que les repas seraient superflus pour quelqu’un qui souhaite être pleinement productif. Dans ces conditions, et dans une logique technologiquement naïve, il suffit de considérer que les repas ne sont qu’une entrée de nutriments dans le corps, et qu’on peut donc reconstituer le repas idéal qui serait la fin de tous les repas. La panacée.

Bien évidemment, tout ça ressemble surtout à des poudres bien classiques comme celles qu’utilisent depuis des années les sportifs ou les gens au régime. Ca n’empêche pas les investisseurs du cru de financer à tour de bras Rob Rhinehart – le fondateur de Soylent, Alex C. Snyder – qui a quitté son job sur Second Life chez Linden Labs, etc.

Au fond, tant mieux pour ceux que ça amuse de se passer de diner pour se mettre à manger des poudres avec de l’eau ou du lait. Les fabricants de poudres de régime et de suppléments nutritifs ont déjà démontré qu’il y avait un marché et qu’il acceptait volontiers de nouveaux spins marketing pour s’agrandir au-delà de ses cibles initiales.

Mais avec la multiplication d’autres startups dédiés à ces sujets comme Modern Meadows qui fait de la viande artificielle, ou des entreprises d’impression 3D de nourriture, la vraie question c’est de se demander si le modèle de la Silicon Valley est reproductible dans d’autres secteurs que ceux des technologies et des médias. Est-on en train d’assister à l’uberisation de l’industrie agro-alimentaire ? Ou est-ce qu’on est juste en train d’assister à une dérive un peu ridicule du modèle de la Valley ? Mais dans ce cas, c’est quand même curieux que ce soit les mêmes ingénieurs qui inventent les réseaux sociaux et qui se sentent obligés de mettre fin à des activités aussi sociales que les repas. A moins que…

Source: In Busy Silicon Valley, Protein Powder Is in Demand

Update, un autre excellent article dans le New Yorker : http://www.newyorker.com/magazine/2014/05/12/the-end-of-food

Des bureaux sans scandales pour le futur patron de France TV ? Si j’étais lui, j’irai voir ceux de Mark Zuckerberg à Palo Alto.

Après la polémique sur la rénovation du bureau de Thierry Lepaon, après celle sur la rénovation du bureau de Matthieu Gallet à l’INA, puis à Radio France, les dirigeants français feraient peut-être bien de s’inspirer de certaines pratiques des startups américaines qui préfèrent s’installer au milieu de leurs salariés, sans abuser sur le bois précieux, et parfois même au rez-de-chaussée.

Difficile d’ailleurs de ne pas penser que ce sujet des bureaux est un peu l’arbre qui cache la forêt en matière managériale. Comme le faisait remarquer par exemple Gilles Klein sur Twitter en citant Paris Match, Radio France est « une entreprise peuplée de gros précaires, mais dominée par de gros salaires, et les dérapages du chantier ».

Aujourd’hui, si je devais donner un conseil à un candidat pour France TV, je lui dirait de tirer les leçons de ces fiascos successifs en évitant de se prendre pour un grand patron pompidolien, et en allant regarder ce qui se fait chez les petits jeunes qui montent du côté de la Silicon Valley : installer son bureau au rez-de chaussée, se mettre au milieu de tout le monde, peut-être même avoir un simple desk dans l’open space collectif, installer des salles de réunions partagées…

…impossible de travailler comme ça ?

Il suffit de regarder le bureau de Mark Zuckerberg chez Facebook par exemple.

Au début c’était ça…

Après quelques années c’est devenu ça…

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk

Et avec la construction des nouveaux locaux de Facebook, il a quand même pris la peine d’installer une table de réunion et de mettre une paroi autour, mais en verre et au rez-de-chaussée.

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk

Ca manque quand même toujours de bois précieux.

Et pour ceux qui penseraient que c’est une exception et qu’il ne faudrait quand même pas tout mélanger, voici le bureau de Steve Ballmer, l’ancien PDG de Microsoft :

Celui de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon :

Celui de Max Levchin, le co-fondateur de Paypal :

Celui de Tony Hsieh, le fondateur de Zappos, racheté par Amazon :

Celui de Bill Gates, qui ne fait pas non plus dans la démesure :

Et last but not least, celui de Steve Jobs d’abord :

Et parce que la politique, ca compte aussi, celui de Al Gore :

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk.

Avant de fusionner les rédactions et les orchestres de Radio France, ce serait bien d’avoir une stratégie…

Si Les Echos sont dans le vrai, c’est un drôle de rapport que la Cour des comptes va remettre à propos de Radio France – un rapport qui mélange allègrement la stratégie, son implémentation par les équipes, et son exécution.

Le budget est plombé par l’immobilier ? Fusionnons les rédactions pour le rétablir – même si elles partagent déjà le même bâtiment, les mêmes moyens, et savent à peu près travailler ensemble ! On ne voit pas le rapport entre la radio et la musique ? Fusionnons les orchestres, déplaçons les et mettons les sous mandat de la Caisse des dépôts. Où est la logique ? Où est l’intérêt pour le service public ? Et où sont les propositions innovantes qu’on serait normalement en droit d’attendre – autour du numérique par exemple.

En d’autres termes, où est la stratégie ? Où sont les autres propositions d’implémentation par les équipes en fonction de leur contexte ? Pourquoi parle-t’on directement d’exécution ?

Comme le rappelle cet article de la Harvard Business Review, définir une stratégie revient à se concentrer sur trois points au niveau général de l’entreprise :

  • Actions : quelles sont les actions que Radio France peut faire et que les autres médias ne peuvent pas ? Quelle est sa différence ?
  • Avantages métiers : quel sont les avantages de Radio France par rapport aux autres radios ?
  • Gamme de services et de produits : le métier de la radio a t’il évolué et Radio France doit-elle en partie redéfinir sa mission ?

Il faut ensuite déployer ces trois points au niveau des chaînes et des départements :

  • Audience : à quelle audience s’adresse telle chaîne ou tel département ?
  • Proposition de valeur : quels sont les services publics et privés qui visent la même audience et comment s’en démarquer ?
  • Talents : quelles sont les actions et les talents qui permettraient de proposer quelque chose de meilleur que ce qu’ils font ?

C’est seulement une fois que Radio France connaît ses actions possibles, a choisi son avantage métier et a développé une gamme de services de produit, que ses équipes peuvent faire des propositions pour implémenter cette stratégie.

De même, c’est seulement après que ses chaînes aient choisi leur audience, aient défini une proposition de valeur et se soient assuré d’avoir les talents pour l’exécuter, que leurs équipes peuvent faire des propositions d’implémentation.

Le tout en ayant conscience qu’une stratégie n’est jamais ni figée, ni complètement exécutée. Il faut être capable de revenir sur tous les points et de les retravailler en permanence, au fur et à mesure du feedback des usagers et de l’évolution des offres dans le reste du secteur.

C’est d’ailleurs l’un des problèmes posés par la logique des Contrats d’Objectifs et de Moyens qui définissent une stratégie pour 5 ans, sans permettre de la faire évoluer facilement en cours de route – ce qui est d’autant plus dommageable que la société se numérise rapidement et réclame de plus en plus de souplesse.

C’est par exemple de cette façon que Netflix a décidé de passer du business de la livraison de DVD à celui de la VOD. Et c’est seulement une fois qu’ils ont défini ce changement stratégique que leurs équipes ont proposé des façon de l’implémenter, puis qu’ils ont commencé à l’exécuter petit à petit – en revenant en arrière à de nombreuses reprises, jusqu’à devenir eux-mêmes producteurs avec House of Cards, en totale contradiction avec les propositions de départ.

Avec ce rapport, on a l’impression de prendre le problème à l’envers et de décider directement de l’implémentation en proposant la fusion des rédactions, la fusion des orchestres, le déplacement des équipes, etc.

Mais au service de quelle stratégie ? Comment être certains que ces propositions sont les bonnes ?

Passer directement au stade de l’implémentation, c’est en réalité se baser sur une stratégie pré-existante. Mais laquelle ? Celle d’il y’a 5 ans ? Celle d’il y’a 10 ans ? Comment juger de sa pertinence après tant d’années d’évolutions dans le secteur de la radio et du numérique ? Comment mesurer le risque d’échec ? Comment réussir à la faire accepter quand chacun ressent dans ses tripes qu’elle est décalée par rapport à son expérience du quotidien professionnel et personnel ?

En 2015, à condition d’avoir un peu d’empathie pour le monde de la culture, il y aurait pourtant tellement de choses à imaginer pour redonner un projet à la radio publique française.

Mais commencer par l’implémentation, c’est aussi une façon d’étouffer les bonnes idées. Le récent succès de formats comme Serial à l’étranger aurait pu créer des pistes, pousser des envies, et surtout donner un peu d’espoir – voire même susciter des possibilités de nouvelles recettes grâce à l’innovation. Les exemples d’idées à exploiter en mode startup ne manquent pas. Et la radio publique regorge d’archives, de compétences et de partenaires désireux de s’y mettre.

C’est toujours utile de savoir faire des tableaux excel pour éviter les dérives comptables, mais se concentrer sur l’implémentation et l’exécution en refusant de parler de stratégie, c’est soigner les symptômes sans guérir la maladie.

Radio France : les propositions chocs de la Cour des comptes, Médias.