Plus que les Fake News, Emmanuel Macron devrait s’intéresser à l’industrialisation numérique des campagnes électorales

Le Président de la République a annoncé hier qu’un texte de loi allait être déposé pour lutter contre les Fake News sur Internet en période électorale.

Il est vrai que cela fait plusieurs années que des nouvelles pratiques de manipulation se répandent et que les scandales s’enchaînent – surtout à l’étranger. Quel que soit le candidat, chacun peut aujourd’hui constater l’existence de campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux, l’enregistrement de faux followers, l’utilisation de faux likes, le partage massif de fake news ou du risque permanent de divulgation d’information confidentielles piratées par des groupes décidés à perturber le scrutin.

Quant à leur impact, les études sont contradictoires, avec par exemple une étude de Stanford plutôt rassurante, et une étude plus récente de l’université de l’Indiana indiquant au contraire qu’il faut plutôt réagir.

De notre côté, en mars 2017, avec Terra Nova, nous avions fait un rapport et ensemble de recommandations dont beaucoup se retrouvent dans les annonces d’hier :

  • demander une meilleure information des usagers pendant la période électorale et un effort supplémentaire de réactivité aux notifications pendant la période électorale.
  • Renforcer les obligations en matière de transparence des algorithmes pour garantir l’accès à une pluralité d’information.
  • Renforcer les peines prévues pour la fraude numérique aux élections.
  • Mieux intégrer la prise en compte des dispositifs numériques et dans les comptes de campagne.
  • Créer un délit spécifique relatif aux préparatifs de la disruption du scrutin en amont de la campagne elle-même.

Manquent pour l’instant :

  • Favoriser l’auto-régulation des acteurs du numérique et des médias, mais également
  • Alléger le critère dit de « l’impact sur le scrutin » pour tenir compte des impacts indirects que peuvent avoir la manipulation en ligne
  • Soutenir la recherche éthique et scientifique sur les algorithmes.
  • Doter l’Etat de moyens de les analyser et de les contrôler, sur le modèle de ce que pourrait faire la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière de droit de la consommation.
  • Confier à l’Autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information (ANSSI) une mission de conseil et d’accompagnement sur la sécurité informatique auprès des candidats, pour diffuser par exemple un référentiel de sécurité des outils numériques de campagne.

Et s’ajoutent :

  • de pouvoirs accrus pour le CSA
  • un « devoir d’intervention » des intermédiaires techniques

Autrement dit, les annonces d’Emmanuel Macron correspondent assez largement aux analyses qu’on peut tirer des récents scrutins électoraux en France (l’élimination d’Alain Juppé par exemple) et ailleurs dans le monde (l’élection de Donald Trump, le Brexit, etc.).

Mais se concentrer sur les Fake News revient à ne traiter qu’un des aspects du problème, et contraint à ne s’intéresser qu’aux questions de sanctions et de censure – alors même que la coupure de Telegram pendant les récents événements iraniens démontre l’importance de disposer d’un réseau internet ouvert et indépendant.

Le premier point d’un texte sur ce sujet devrait toujours être de réaffirmer la liberté d’expression qui est un élément essentiel de la liberté de conscience.

C’est seulement ensuite qu’il est possible de se concentrer sur les aménagements qui sont la conséquence de l’industrialisation des campagnes électorales numériques.

Que dire par exemple de l’exploitation du micro-tasking pour constituer des bases de données sur les citoyens, puis de l’exploitation abusive de ces données pour essayer de les influencer ? Faut-il se préoccuper du rôle de plus en plus généralisé des CRM de campagne tels que Nation Builder ? Quid de l’astroturfing ? Comment croire que ces problèmes s’arrêteront entre deux campagnes et ne perturberont pas la vie politique normale, le travail du gouvernement, du parlement et de la société civile ?

Au niveau des critiques, il est agréable de voir que la notion juridique de plateformes qui a été créée par la loi République Numérique suivant les propositions du Conseil National du Numérique commence est réutilisée par le gouvernement et commence à se « remplir ». En revanche, il est un peu dommage que la partie régulation ne s’intéresse qu’au rôle du seul CSA et ne prenne pas en compte les éléments techniques qui relèveraient plutôt de la DGCCRF, de l’ANSSI ou d’autorités indépendantes telles que la CNIL ou l’ARCEP.

En fait, étant donné la multiplicité des questions qui se posent, et vu les enjeux en France et dans le reste du monde, on regrette un peu que ce qui est proposé ne traduise pas une vision plus ambitieuse – laquelle permettrait peut-être de se demander enfin à quoi devrait ressembler une démocratie numérique normale ?

À cet égard, chacun notera qu’il est un peu dommage que le Conseil National du Numérique ne soit plus disponible pour organiser cette réflexion et y participer – ce qui démontre accessoirement l’utilité de cette petite et intéressante institution.

Le droit électoral est-il adapté aux risques de fraude numérique pour 2017 ?

À moins de quelques jours de l’élection présidentielle et à quelques semaines des élections législatives, la question de la triche électorale en ligne se pose de façon croissante, ce qui a poussé Terra Nova à me proposer de travailler sur cette note de droit électoral qui est disponible ici et sur leur site.

Cela fait pourtant plusieurs années que ces nouvelles pratiques de manipulation se répandent et que les scandales s’enchaînent à l’étranger. Quel que soit le candidat, chacun peut aujourd’hui constater l’existence de campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux, de l’enregistrement de faux followers, de l’utilisation de faux likes, du partage massif de fake news ou du risque permanent de divulgation d’information confidentielles piratées par des groupes décidés à perturber le scrutin. Ce qui était autrefois sans importance risque désormais d’avoir un impact démesuré.

À la suite des péripéties des récentes élections américaines, l’ensemble des acteurs du numérique a pris conscience du problème et commencé la mise en place d’une certaine forme d’autorégulation. De leur côté, les acteurs des médias se sont également emparés du sujet et proposent maintenant des plateformes de vérification de l’information. Enfin, emmenées par la CNIL, plusieurs institutions commencent à se mobiliser.

Au-delà, et vu l’importance de l’enjeu, il serait opportun que l’État se dote de moyens permettant de garantir la sincérité et la loyauté des scrutins. À défaut, le risque est de réagir trop tardivement et de créer des situations injustes, comme par exemple l’interdiction de vote en ligne survenue en février qui empêchera cette année une partie des Français de l’étranger de pouvoir participer au scrutin. Au pire, d’autres scénarios plus graves sont désormais possibles. Il est encore temps de réagir et de se préparer.

C’est l’objet de cette note.

 

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