Pour Julian Assange, Google n’est pas une entreprise comme les autres

Assange: Google Is Not What It Seems

Newsweek publie les bonnes feuilles du prochain livre de Julian Assange « When Google Met WikiLeaks » : Assange: Google Is Not What It Seems.

Le texte est évidemment à prendre avec du recul, mais il est tout de même très intéressant en ce que Assange est un acteur privilégié des questions de libertés fondamentales et de politique dans le contexte numérique.

L’extrait publié par Newsweek détaille la façon dont Julian Assange a fait évoluer sa perception de Eric Schmidt jusqu’à voir en lui le leader d’une nouvelle classe de politiciens post-modernes intervenant dans la vie publique directement à travers leur entreprise.

En résumé :

  • comparé à des interlocuteurs comme Jared Cohen, Eric Schmidt donne l’apparence d’être beaucoup plus ingénieur que politicien
  • pourtant, son entourage est profondément intégré à l’appareil d’Etat américain qui l’utilise régulièrement pour faire de la « diplomatie d’arrière cour » quand ils ne veulent pas intervenir directement
  • Julian Assange avance l’idée que les intellectuels de Google comme Jared Cohen utilisent leurs moyens pour influencer les pays étrangers
  • en règle générale, les intellectuels de Google se tournent vers le solutionnisme technologique pour proposer de réponses aux problèmes de démocratie rencontrés dans ces pays
  • partant de là, Julian Assange se lance dans une violente critique des ONG et des intellectuels qui participent à ce qu’il appelle le « circuit des conférences de la société civile » – auquel il reproche de soutenir des intérêts politiques

C’est passé ce cap que Julian Assange commence à expliquer comment il a changé de vision sur Erich Schmidt. Loin d’être un ingénieur brillant, mais exploité par le département d’Etat américain, celui-ci serait en fait un politicien habile et pragmatique capable de pousser ses propres idées :

  • l’ensemble de la carrière de Eric Schmidt démontre une véritable acuité politique qui transparait à travers ses relations personnelles, ses engagements associatifs et ses soutiens à des politiciens
  • Eric Schmidt se trouve en fait exactement au point clé de la vie politique américaine où se retrouvent le centriste politique, le libéral économique et l’impérialiste conquérant
  • comme les autres dirigeants de Google, il serait convaincu que les entreprises multinationales ont une mission civilisatrice

Mais dans le cas de Google, cela va irait plus loin :

  • car Google est une entreprise visionnaire
  • malgré PRISM, malgré sa coopération avec les services de renseignement US qui en font « un membre clé de leur base de défense industrielle », malgré sa croissance qui peut se faire au détriment d’autres entreprises, la bonne réputation de Google reste indétronable
  • Google est désormais l’un des principaux lobbyistes américains
  • à ce stade, pour continuer sa croissance, Google ne va plus pouvoir plus se contenter de jouer selon les règles du libre marché
  • pour Assange qui cite Schmidt et Cohen sur ce point, il ne faut plus considérer Google comme une entreprise philantropique, mais comme l’équivalent moderne de Lockheed-Martin ou de Blackwater

La conclusion de Julian Assange est du coup assez claire :

  • pour beaucoup de gens dans le monde, Google est en train de devenir l’Internet et l’Internet est en train de devenir Google
  • ce serait un échec pour de nombreux pays – et pour l’Europe – où l’Internet représentait une alternative à l’hégémonie culturelle, stratégique et économique des Etats-Unis
  • et avec le sens de la formule, il conclue en disant « A “don’t be evil” empire is still an empire. »

Nul doute que si le reste du livre est du même acabit, il va encore faire parler de lui.

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