Campagnes électorales en ligne : une élection législative annulée par le Conseil Constitutionnel en raison d’une publication du candidat sur Facebook

Il était certain que les campagnes électorales en ligne allaient finir par provoquer des sanctions et des annulations – j’ai même eu l’occasion de préparer une étude sur ce sujet avec Terra Nova.

C’est finalement à l’occasion d’une élection législative que le Conseil Constitutionnel a prononcé l’annulation d’une élection en raison de publications fautives du candidat sur Facebook pendant le week-end précédant le scrutin.

La décision, très courte et très simple, est ici : Décision n° 2017-5092 AN du 18 décembre 2017

En quelques mots, l’élection de la 4e circonscription du Loiret ne s’est jouée qu’à 7 voix d’écarts entre les deux candidats, Mme Harlé et M. Door.

À ce degré de différence, toute triche, faute ou même erreur est susceptible d’avoir influencé le résultat et l’annulation devient possible.

Le dimanche de l’élection, l’adjoint de M. Door a publié sur sa page « Facebook » personnelle des éléments de propagande électorale et notamment, à 11h42, son intention de voter en faveur de M. DOOR en invitant les électeurs à « choisir l’expérience face à l’aventure ».

Un peu plus tard le même jour, à 15h52, M. Door a publié sur la page Facebook dédiée à ses fonctions de maire de Montargis une photo le représentant prononçant un discours à l’occasion de la cérémonie commémorant l’Appel du 18 juin, et faisant état de l’affluence à cette commémoration officielle.

Or, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. – À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ».

Avec seulement 7 voix d’écart, le Conseil annule alors cette élection.

Quelques enseignements de cette décision :
– on le savait déjà, mais les réseaux sociaux n’échappent pas aux règles de propagande électorale et il est important de les respecter
– en fait, c’est même plus important car les réseaux sociaux laissent plus de traces, et des traces certaines
– à cet égard, le comportement des équipes de campagne doit faire l’objet d’une vigilance toute particulière car ils sont autant tenus que le candidat lui-même

On peut néanmoins se demander s’il n’aurait pas pu être possible de vérifier l’audience des deux posts concernés – même si avec seulement 7 voix d’écart, il aurait été difficile de conclure à l’absence d’impact sur le scrutin.

Après la taxe Google, le Sénat adopte une taxe GAFA inspirée des britanniques

Intéressante initiative du Sénat où Marie-Noelle Lienemann, soutenue par le groupe socialiste, a exploité une idée britannique visant à réintégrer à la base taxable des grands groupes les bénéfices réalisés en France – avec en première ligne de mire les GAFA et les NATU.

Selon son blog, elle été soutenue dans ce travail par des spécialistes puisqu’elle a reçu le soutien du collectif Sauvons l’Europe et We Sign It qui avaient organisé ensemble la pétition 2big2tax visant à dénoncer la désertion fiscale des multinationales.

Marie-Noelle Lienemann en parle ici sur son blog : http://www.mnlienemann.fr/2015/11/adoption-de-lamendement-contre-levasion-fiscale-des-multinationales-au-senat-une-premiere-victoire-a-consolider/

Le texte de l’amendement est ici : http://www.senat.fr/amendements/2015-2016/163/Amdt_I-347.html

Et la discussion parlementaire est ici : http://www.senat.fr/cra/s20151123/s20151123.pdf

L’idée initiale du gouvernement britannique était d’aller plus loin que les accords Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) de l’OCDE, en considérant que ceux-ci constituent un socle minimal consensuel entre pays, mais que celui-ci est plein de failles qui seront rapidement exploités par les adeptes de l’optimisation fiscale agressive. Des inquiétudes existent par exemple déjà sur la capacité des états à contester pour de vrai le calcul extrêmement complexe des prix de transfert dans le secteur de l’immatériel – brevets, marques, bases de données, licences, etc.

La Grande-Bretagne a donc décidé de réagir par avance à ces questions en renouvelant leur approche autour du concept de « détournement déloyal des bénéfices » et « d’activité sans substance économique » – une façon de prolonger les questions d’établissement stable et de prix de transfert sans s’en détourner.

Avec ce mécanisme, le gouvernement de David Cameron a créé une sorte de taxe sur « les profits détournés » qui va plus loin que les accords BEPS, tout en restant dans leur logique. Il présume l’établissement stable en l’imposant d’office aux entreprises qui remplissent certains critères financiers ou qualitatifs – seuil de CA minimal important pour éviter de toucher les startups, absence de justification légitime pour permettre de préserver les cas particuliers, etc. Et il ne cherche pas à rentrer dans le calcul des prix de transfert. Il regarde simplement si l’activité économique qui justifie le paiement des sommes à l’étranger est réelle ou pas. Et plutôt que de créer une sanction fiscale confiscatoire, il  applique seulement un ajout +5% par rapport au seuil normal de taxation.

Pour les curieux, voici le texte du Finance Act 2015 du gouvernement britannique :

http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2015/11/part/3/enacted

Et voici son exposé des motifs :

https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/385741/Diverted_Profits_Tax.pdf

Comme le confirme Marie-Noelle Lienemann dans les débats parlementaires, le texte proposé au Sénat est très exactement inspiré de celui-ci, avec la même idée d’écarter les PME et les startups pour ne pas tuer l’innovation – avec un seuil de CA en France fixé à 10 millions d’euros . Il s’agit simplement de taxer les entreprises qui « détournent leurs profits de façon déloyale ».

Le texte français suit la même logique que le texte britannique : « Une personne morale domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France est réputée pour les besoins du présent article disposer d’un établissement stable en France lorsqu’un tiers, établi ou non en France, conduit en France une activité pour la vente de ses produits ou services et que l’on peut raisonnablement considérer que l’intervention de ce tiers a pour objet, éventuellement non exclusif, d’éviter une domiciliation de la personne morale concernée en France. »

Autrement dit, l’amendement vise directement les multinationales qui interviennent en France par l’intermédiaire de sociétés étrangères quand il ne s’agit pour eux que d’optimiser leurs impôts. Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour savoir qui est visé.

De façon intéressante, les français n’ont prévu aucune sanction fiscale. Ils se contente de rapatrier les bénéfices dans l’assiette taxable et de leur soumettre un impôt normal. C’est peut-être la solution la plus sage pour éviter d’apparaître comme souhaitant empêcher le développement international de ces sociétés. Elle n’auront pas à craindre de sanction, leur principal risque sera de payer les mêmes impôts normaux que toutes les autres entreprises du pays dans lequel elles viennent proposer leurs services. C’est sans doute aussi une façon d’éviter la censure du Conseil constitutionnel comme cela avait été le cas pour les dispositions proposées l’année dernière qui essayaient de créer la notion « d’abus de droit fiscal », mais imposaient une amende de 80%.

L’amendement a été adopté avec une belle majorité par le Sénat. Le rapporteur avait pourtant proposé de le rejeter pour attendre les résultats de la coopération sur les accords BEPS au niveau de l’OCDE. Mais plusieurs interventions ont montré l’impatience des parlementaires sur cette question. Ils ont rappelé que les britanniques ont déjà adopté un texte similaire alors qu’ils sont pourtant présents dans les accords BEPS. Et ils ont souligné que la France devrait plus souvent être force de proposition dans les négociations internationales, et notamment à l’OCDE où la première question des participants est souvent de demander si telle ou telle nouvelle idée a déjà été mise en oeuvre quelque part.

Reste à voir le sort qui sera réservé à cette proposition en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.

Des bureaux sans scandales pour le futur patron de France TV ? Si j’étais lui, j’irai voir ceux de Mark Zuckerberg à Palo Alto.

Après la polémique sur la rénovation du bureau de Thierry Lepaon, après celle sur la rénovation du bureau de Matthieu Gallet à l’INA, puis à Radio France, les dirigeants français feraient peut-être bien de s’inspirer de certaines pratiques des startups américaines qui préfèrent s’installer au milieu de leurs salariés, sans abuser sur le bois précieux, et parfois même au rez-de-chaussée.

Difficile d’ailleurs de ne pas penser que ce sujet des bureaux est un peu l’arbre qui cache la forêt en matière managériale. Comme le faisait remarquer par exemple Gilles Klein sur Twitter en citant Paris Match, Radio France est « une entreprise peuplée de gros précaires, mais dominée par de gros salaires, et les dérapages du chantier ».

Aujourd’hui, si je devais donner un conseil à un candidat pour France TV, je lui dirait de tirer les leçons de ces fiascos successifs en évitant de se prendre pour un grand patron pompidolien, et en allant regarder ce qui se fait chez les petits jeunes qui montent du côté de la Silicon Valley : installer son bureau au rez-de chaussée, se mettre au milieu de tout le monde, peut-être même avoir un simple desk dans l’open space collectif, installer des salles de réunions partagées…

…impossible de travailler comme ça ?

Il suffit de regarder le bureau de Mark Zuckerberg chez Facebook par exemple.

Au début c’était ça…

Après quelques années c’est devenu ça…

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk

Et avec la construction des nouveaux locaux de Facebook, il a quand même pris la peine d’installer une table de réunion et de mettre une paroi autour, mais en verre et au rez-de-chaussée.

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk

Ca manque quand même toujours de bois précieux.

Et pour ceux qui penseraient que c’est une exception et qu’il ne faudrait quand même pas tout mélanger, voici le bureau de Steve Ballmer, l’ancien PDG de Microsoft :

Celui de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon :

Celui de Max Levchin, le co-fondateur de Paypal :

Celui de Tony Hsieh, le fondateur de Zappos, racheté par Amazon :

Celui de Bill Gates, qui ne fait pas non plus dans la démesure :

Et last but not least, celui de Steve Jobs d’abord :

Et parce que la politique, ca compte aussi, celui de Al Gore :

Mark Zuckerberg posts image of his Facebook office desk.

Dans Techcrunch: les réseaux sociaux peuvent déclencher une « spirale du silence » qui pousse les gens à s’autocensurer

Intéressant point de vue de Techcrunch publié au mois d’août et qui se base sur une étude du Pew Institute consacrée à « la spirale du silence » pour expliquer que les réseaux sociaux génèrent beaucoup plus d’autocensure qu’on ne l’imagine, et qu’ils peuvent même contrôler ce qui est diffusée dans le monde offline : Social Media Is Silencing Personal Opinion – Even In The Offline World

En résumé :

  • Les informations diffusées par les réseaux sociaux ne reflètent pas correctement les débats d’opinion qui se déroulent dans le monde physique
  • Pire, l’étude du Pew Institute montre que les gens sont en fait moins enclins à débattre des problèmes importants de la société sur les réseaux sociaux que dans l’environnement offline
  • Dès que leurs opinions sont contraires à celles de leurs amis, les gens s’autocensurent et préfèrent les garder pour eux sur les réseaux sociaux – un phénomène qui ressemble à « la spirale du silence » qui était décrite dans les années 70 à propos de la formation des opinions publiques
  • Dans l’exemple choisi par le Pew Institute, seuls 42% des usagers avaient envie de discuter des problèmes de surveillance généralisée en public sur des réseaux sociaux, alors qu’ils étaient 86% à accepter de le faire dans une discussion physique en face à face
  • Quant aux 14% qui ne souhaitaient pas discuter dans une réunion physique, seuls 0,3% auraient accepté de le faire en ligne
  • Cela remet en cause l’idée que les réseaux sociaux permettraient aux gens d’exprimer des opinions qu’ils n’osent pas exprimer en face à face

Social Media Is Silencing Personal Opinion – Even In The Offline World | TechCrunch

Mais le Pew Institute va plus loin et affirme que cette spirale de la censure s’étend jusque dans l’environnement offline.

  • L’usager classique de Facebook a 50% moins de chance d’accepter de partager ses opinions dans le monde physique
  • L’usager de Twitter a 25% moins de chance

In fine, le Pew Institute rappelle les limites de son étude, mais souligne que cela permet de comprendre la façon dont les usagers utilisent les réseaux sociaux pour discuter de sujets politiques. Contrairement à ce qu’on aurait pu espérer, ceux-ci ne créent pas automatiquement un débat plus riche et plus dynamique. Comme dans l’affaire Ferguson, les tunnels informationnels jouent à plein en limitant l’accès des usagers à l’information, mais la spirale du silence est tout aussi importante en les dissuadant de dire à voix haute des opinions qui seraient contradictoires avec celles de leur social graph.

L’article est ici : Social Media Is Silencing Personal Opinion – Even In The Offline World

Vu dans le Guardian: l’accès à l’information ne peut pas être laissé aux algorithmes des géants du web

Un peu daté (31 août – l’époque des émeutes de Ferguson aux USA), mais très intéressant article dans le Guardian sur la régulation algorithmique des informations qui va prendre de plus en plus d’importance au fur et à mesure que les timelines deviennent de plus en plus importantes pour les lectures quotidiennes des citoyens : We can’t let tech giants, like Facebook and Twitter, control our news values

En résumé :

  • Cela fait plusieurs années que des gens comme Vinton Cerf contestent la vocation des journaux dans l’accès à l’information… “the problem is there’s ‘news’ and there’s ‘paper’, and those are two separate things.”
  • Un moment-clé à eu lieu quand Dick Costolo, le DG de Twitter a décidé de prendre une décision éditoriale en suspendant les comptes qui diffusaient les images de la décapitation de l’otage américain James Foley.
  • Les plus grands distributeurs d’information ne sont plus News Corp ou les médias traditionnels, mais les algorithmes des géants du web qui régulent quelle information s’affiche ou non dans la timeline de quel usager.
  • Des sociologues comme Zeynep Tufekci se demandent comment s’assurer que des usagers ne se retrouvent pas coupés d’informations importantes – comme par exemple le jour des émeutes de Ferguson aux USA où sa propre timeline n’affichait que des informations relatives au Ice Bucket Challenge.
  • C’est à la fois une question de neutralité et de transparence éditoriale. Les manchettes de journaux ont perdu de leur importance pour impacter l’opinion publique, mais elles ont été remplacées par la prioritisation des informations dans l’algorithme des timelines.
  • Ce problème est d’autant plus important que la quantité d’information qu’un citoyen doit traiter pour s’informer a considérablement augmentée depuis quelques années – notamment en raison de la production d’informations par d’autres acteurs que les journalistes.
  • Il y a un véritable risque de transparence à voir des boites noires remplacer les comités éditoriaux dans la production et la diffusion d’informations.

La question semble légitime, mais il reste à voir comment tout cela pourrait se régler en pratique.

Sur le même sujet, il est intéressant aussi de lire Facebook and Engineering the Public de Zeynep Tufekci

L’article du Guardian est ici : We can’t let tech giants, like Facebook and Twitter, control our news values

WhatsApp : de 0 à 21,8 milliards de dollars en 5 ans!

In April, said it had 500 million “regular, active” users with growing numbers from Brazil, Russia, India and Mexico.

Est-ce qu’on a vraiment raison de dire que la guerre est perdue sur les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, etc. Si une société est capable de réussir à re-challenger des sociétés comme Google ou en moins de cinq ans, pourquoi là bas et pourquoi pas ici ?

Curated from www.latimes.com

How the lack of algorithm neutrality impacted the visibility of Ferguson events on Facebook and Twitter

What Happens to #Ferguson Affects Ferguson: — The Message — Medium

Wow. The Ferguson events did not appear the same way at all on Facebook and on Twitter. Depending on the algorithm, timelines showed a very different pictures of what happened. Is it time for a debate on platform neutrality (algorithms, transparency, etc.) on top of the traditional net neutrality discussions?

What Happens to #Ferguson Affects Ferguson: — The Message — Medium.

Vu sur Petit Web – Snapchat, Wechat, Line : la Facebook alternative à la loupe, ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur vos ados

Si vous voulez savoir où sont les jeunes qui ne sont plus – ou moins – sur Facebook… et avoir quelques exemples d’alternatives étrangères… c’est ici :

Snapchat, Wechat, Line : la Facebook alternative à la loupe, ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur vos ados | Petit Web.

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