Les gilets jaunes, la guerre civile en France et le 3e tour de l’élection présidentielle

Comment les français arrivent-ils à être à la fois pour les gilets jaunes, et contre la violence ? Bien sur, cela signifie qu’ils font la part des choses. Cela indique aussi qu’ils ont une vision « utopique » du mouvement. Dans le même temps, la côte de popularité du Président et du gouvernement continuent de s’effondrer.

Dix-neuf mois après l’élection présidentielle de 2017, la cohérence et l’autorité qui étaient présentées comme des points forts du Président se sont retournées contre lui. La cohérence a été mise à mal au fur et à mesure que des affaires judiciaires ont commencé à viser des membres de son gouvernement sans que cela suscite de réaction, jusqu’à ce que le scandale Benalla finisse par l’engloutir jusqu’à provoquer le départ du n°2 et du n°3 du gouvernement.

L’autorité est encore là, mais sans cohérence et sans popularité, elle ne veut plus rien dire. Les mêmes messages qui auraient été présentés comme positif pendant la campagne ou le début du quinquennat apparaissent aujourd’hui comme humiliants et ne suscitent plus l’adhésion de personne.

Comme ses prédécesseurs, le Président semble avoir oublié l’origine de la cinquième République, laquelle a justement fait l’objet d’un petit livre éclairant publié par l’historien Grey Anderson sous le titre « La guerre civile en France, 1958-1962. Du coup d’État gaulliste à la fin de l’OAS. » Or, même si l’on préfère toujours parler de mai 68, il semble clair que les événements de guerre civile 1958 ont eu un impact plus lourd et plus profond, aboutissant notamment à la structuration de la République telle que nous la connaissons aujourd’hui – un régime présidentiel placé sous l’onction suprème du suffrage universel à partir de 1962.

Or, on peut constater que le parlementarisme a une forme de dérive vers toujours plus de présidentialisme, alors même que les circonstances insurrectionnelles de 1958 disparaissaient et justifiaient de moins en moins cette Constitution exceptionnelle. Et le quinquennat, introduit sous Chirac, a aggravé cette situation, en rendant sans grand intérêt les législatives – à tel point que la dissolution de l’Assemblée Nationale n’est même plus perçu par le pouvoir comme un outil politique utile face à des situations de violence comme celles que l’ont voit aujourd’hui.

D’où un décalage post-électoral très fort entre le pouvoir et les citoyens, et ce d’autant plus que le Président élu choisit de s’appuyer sur la légitimité institutionnelle plutôt que sur la légitimité tirée de sa popularité et du suffrage universel.

Après l’élection, c’est encore l’élection. Le parlementarisme qui était sorti par la porte revient par le fenêtre. Il ne faut pas baisser la garde et considérer le mandat pour acquis, au risque de provoquer le rejet qu’on observe aujourd’hui. Pour le dire autrement, dans le contexte de la cinquième République, il est à peu près impossible de gouverner sans être populaire.

De ce point de vue, les réponses proposées par le Président et ses proches semblent aujourd’hui déconnectées et sans rapport avec la situation.

J’ai vu par exemple la tribune de Jean Tirole dans le JDD, « Il faut un nouveau contrat social », lequel considère que le mouvement serait né « d’un manque d’information économique » – toujours la même arrogance, et surtout il s’étonne de voir les citoyens « niant la légitimité d’un président élu sur un programme qu’il réalise ».

C’est pourtant là qu’est l’os. Et c’est ce qui explique que les mesures proposées par le prix Nobel d’économie ne convaincront sans doute que lui-même – un « Grenelle » social-démocrate accompagné d’une accentuation de la politique d’évaluation systématique de l’efficacité des dépenses publiques.

Rester populaire – et donc rester légitime – devrait être le principal objectif de chaque Président. C’est ce qu’avaient compris François Mitterrand et Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy et François Hollande espéraient pouvoir s’en passer et l’ont tout deux payés cher – François Hollande devenant même incapable de se présenter de nouveau.

Comment gouverner sans soutien populaire ? Faute de rencontrer le même échec, la leçon devrait être au coeur de la pratique du prochain mandat présidentiel.

Quant au quinquennat actuel, reste à savoir s’il est possible de gagner ce qui représente véritablement un troisième tour de l’élection présidentielle quand on a laissé la situation glisser jusqu’à la crise. Il faudrait redorer la morale publique, mettre fin aux petites phrases, prendre des mesures fortes, et peut-être même assurer un minimum de renouvellement politique.

À défaut, on peine à comprendre comment la situation pourrait s’améliorer.

Sauf qu’on ne (re)devient pas populaire par un coup de baguette magique.

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