Dans le FT: une interview de Larry Page de Google sur l’automatisation, la fin du travail et la baisse du coût de la vie

Les questions liées à la généralisation de l’automatisation à l’ensemble de la société font peser une menace sur l’emploi dans tous les secteurs – y compris dans des professions traditionnellement considérées comme protégées comme les cadres, les avocats, les médecins, etc. Alors que Google investit de plus en plus dans la robotique, Larry Page a accordé un important entretien au Financial Times pour décrire sa vision positive de ce mouvement : FT interview with Google co-founder and CEO Larry Page

La première question que pose l’article est simple : ne serions-nous pas plus heureux si 90% du travail pouvait finalement être exécuté par des robots et si tout ne coûtait plus que 5% de ce qu’on paie aujourd’hui ?

Comme le fait remarquer le FT, cela fait dix ans que Google est entré en bourse en se présentant comme une entreprise idéaliste, mais ce positionnement a fait long feu. Ce à quoi Larry Page répond : « nous n’avons pas eu autant de succès que nous l’aurions souhaité ».

En résumé, pour Larry Page :

  • Tout se résume à un manque d’ambition.
  • La Silicon Valley fonctionne encore. Elle génère beaucoup d’excitation, mais ne s’intéresse plus assez à des sujets qui comptent.
  • La plupart des entrepreneurs poursuivent des projets qui rapportent vite et beaucoup. La technologie nécessaire existe déjà, mais personne ne la met au service de projets ambitieux capables de créer un changement concret aux gens.
  • Les plus gros paris de Google vont maintenant concerner des projets-frontières, c’est-à-dire des projets qui semblent technologiquement possibles mais restent bloqués pour des raisons inconnues : les voitures automatiques, la santé, etc.
  • Il n’y a pas assez d’outils de financement susceptibles d’apporter autant d’énergie à ces projets que Google peut le faire – en investissant massivement et rapidement.
  • Contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, les gens commencent à rejeter la participation de Google dans ces projets disruptif parce qu’ils ne sentent pas impliqués.

Sur la disparition du travail et la baisse du coût de la vie :

  • L’évolution de l’intelligence artificielle pourrait permettre à 9 personnes sur 10 d’arrêter de travailler.
  • Les gens se rallieront à ce mouvement dans la mesure où ils n’auront pas envie de continuer à occuper des emplois qui seront rendus obsolètes par la technologie – « ça n’aurait aucun sens ».
  • A court terme, c’est plus la baisse du coût des produits et des services du quotidien qui va avoir un effet disruptif – et les gens n’en parlent pas assez. Les entreprises vont devenir 10 fois plus efficaces, et cela se traduira par d’importantes baisses de prix. « Il sera beaucoup, beaucoup, beaucoup moins cher de vivre une vie confortable » – c’est l’application du fameux principe de Larry Page intitulé « la croissance par dix ».
  • Par exemple, le prix de l’immobilier devrait s’effondrer. 
  • Dans la mesure où ces événements sont mis en branle par la technologie et le marché, il ne sert à rien de chercher à les éviter. Il n’y a pas d’alternative.

A ce stade, il est intéressant de noter que le FT qualifie Larry Page de « technocrate » – sans que l’on puisse dire s’il font référence à la technologie-cratie ou à l’élito-cratie.

Sur la politique numérique :

  • Ces évolutions suscitent de véritables angoisses qu’il va falloir désamorcer.
  • L’une des principales questions sera de repenser l’organisation et la motivation collectives au sein de la société.
  • Google ne peut pas tout faire tout seul, mais les autres sociétés ne sont pas assez dynamiques.
  • En attendant, Google est devenu le plus important VC de la Silicon Valley et commence à développer d’autres divisions indépendantes comme celle qui sera consacrée autour de Nest à la maison intelligente.
  • Son objectif est désormais de disposer d’un stock de capital suffisamment important pour pouvoir agir à long-terme.

Autant d’éclairages intéressants, mais qui partent du principe que l’amélioration des gains de productivité générés par le numérique va plus vite que l’augmentation des usages en quantité et en qualité. A lire Hartmut Rosa, on aurait par exemple plutôt l’impression que les gains de productivité numérique finissent par coûter plus de temps qu’ils n’en rapportent – tout en laissant un solde négatif en termes de création d’emplois.

L’entretien est ici : FT interview with Google co-founder and CEO Larry Page

Il a été largement commenté, par exemple dans Business Insider : http://www.businessinsider.com/google-ceo-larry-page-computers-taking-jobs-2014-10#ixzz3Hn6g6QZD

Et plus spécifiquement, sur la baisse du prix de l’immobilier : http://www.businessinsider.com/google-ceo-larry-page-houses-should-only-cost-50000-2014-11

On peut aussi relire la très intéressante interview de Larry Page par Steven Levy où il rappelait son credo de « la croissance par dix » : http://www.wired.com/2013/01/ff-qa-larry-page/all/

A noter, trois autres excellents articles sur le sujet du travail dans Internet Actu à l’occasion des travaux organisés à Lift à Marseille :