Après l’adoption par le Conseil Constitutionnel, comment se défendre au contentieux face à la loi renseignement ?

Malgré les nombreuses critiques assez techniques qui lui avaient été opposées, le Conseil Constitutionnel a finalement accepté la plus grande partie du PJL Renseignement.

Fin de partie ? Pas vraiment car le plus gros du travail va désormais se jouer au niveau du contentieux dont une bonne partie a été organisé dans le cadre de la loi afin de concilier le droit au procès équitable et le secret de la défense nationale.

Evidemment, le texte de la loi Renseignement est tellement abscons et théorique qu’il faut être prudent sur l’analyse, mais on peut déjà pointer quelques hypothèses, et je suis preneur de toutes les suggestions, corrections ou commentaires.

Pour comprendre, il faut lire la décision du Conseil, leur Communiqué de Presse et le texte de la loi.

Concrètement, il y a au moins trois hypothèses de recours qui sont spécialement visées par le Conseil :

  • D’abord, n’importe qui peut demander à la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement, puis au Conseil d’État s’il fait ou non l’objet d’une mesure de surveillance illégale.
  • Le Conseil d’Etat peut également être saisi directement par la CNCTR ou par au moins trois de ses membres.
  • Et il peut enfin être saisi de façon préjudicielle par n’importe quelle juridiction administrative ou autorité judiciaire quand la solution du litige dépend de l’examen de la régularité d’une technique de recueil de renseignement.

 

A chaque étape, le contradictoire est garanti, et la présence d’un avocat est donc possible. Le respect du secret professionel des avocats et la protection des sources sont d’ailleurs garantis afin d’éviter que les plaignants ne puissent s’auto-incriminer en préparant leur procédure. À ce titre c’est la CNCTR qui vérifie a priori les raisons pour lesquelles les avocats seraient surveillés, de même que pour les membres du Parlement, magistrats, ou journalistes – sachant qu’ils ne peuvent être surveillés que pour des activités extérieures à leur fonction.

Reste peut-être l’exception du cas où est invoqué le secret de la défense nationale puisque dans ce cas c’est la CNCTR qui présentera des observations auprès du Conseil d’Etat après avoir consulté l’intégralité du dossier. L’un des objectifs sera alors de s’assurer que les plaignants puissent malgré tout être accompagné par une défense, même si celle-ci n’a pas accès aux éléments classés – par exemple pour vérifier la légalité de la procédure, défendre le plaignant au regard des éléments non-classés, faire le lien avec le reste de son dossier, etc.

Là dessus, le déroulé du mécanisme est assez simple puisque le Conseil d’Etat se contente de répondre si oui ou non le recueil des données s’est fait de façon légale ou illégale, sans révéler aucun document classé.

Quant à la sanction en cas d’écoute illégale, elle est claire. C’est la destruction des données recueillies, l’indemnisation du plaignant et l’éventuelle saisie du Procureur de la République – avec bien sur la possibilité d’aller devant la CEDH si les plaignants ne sont pas satisfaits de la sanction ou de son absence.

Nul doute que les hypothèses de contentieux vont rapidement se multiplier et que de nombreuses personnes curieuses de savoir comment tel ou tel élément est arrivé à la connaissance des forces de l’ordre se feront un plaisir de saisir la CNTCR, le Conseil d’État puis la CEDH – voire même pourquoi pas des particuliers ou des associations qui se considéreraient comme des cibles potentielles.

La bataille ne fait donc que commencer.

 

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